Communication et théorie de l'information

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La notion de communication est largement étudiée dans l'étude de la systémique. J'aimerais dans la suite de ce texte faire le parallèle entre la théorie de l'information de Shannon et mes grottes pour déterminer un schéma des communications sonores dans les espaces que j'ai étudiés. Claude Shannon a publié sa théorie mathématique de la communication en 1948. Ses recherches sont ancrées dans le domaine de la communication téléphonique dont il définit un schéma linéaire contenant une source d'information qui produit un message. Un émetteur transforme le message en signaux, le canal sert à transporter ces signaux et le récepteur reconstitue le message à son destinataire. Durant la transmission les signaux peuvent être "perturbés" par des interférences ou des parasites. On nomme ces interférences et ces parasites "bruits" comme entité opposée au signal. Son but est de mesurer l’état du signal qui arrive au destinataire et de faire en sorte qu'il soit le plus proche possible de son état initial avec le moins de bruit possible.

Dans son schéma Shannon introduit un principe de correction appelé “feed back”. Il permet à des machines de recueillir les informations d’une action en cours et de nourrir en retour un système qui lui permet d'atteindre son but. Dans nos failles et grottes ce feed-back est bien présent, c'est d'ailleurs une des composantes qui construit le son produit.

De l’observation des houles apparaît un schéma de communication qui contrairement au schéma de Shannon n’est pas linéaire mais multiple. Je traduirais ce phénomène par un émetteur qui envoie un message à destination d'un récepteur et qui à son tour devient récepteur en renvoyant le son. Cela déclenche un dialogue entre l'onde sonore et l'espace dans lequel elle se déploie.

Dans cette perspective le son résonnant est un système où il se produit une communication entre le son et chacune des plus infimes parties de la paroi. Le son rencontre des surfaces qui le filtrent et le font ricocher vers d'autres surfaces de manière continue. De son côté, l'espace va emmagasiner une partie de l'énergie sonore et ainsi amplifier l'harmonique correspondant à sa fréquence de résonance. Cette multiplication des émetteurs et des récepteurs qui interchangent leurs rôles est similaire à un système de réinjection.

C'est ce feedback qui créera la réverbération du son. (Cf le schéma de communication présenté en 1959 par John W. Riley et Mathilda W. Riley). D'autres facteurs de modification du son s'ajoutent à celui de la topologie de l'espace. L'hygrométrie et la température de l'air vont influer sur la vitesse de propagation des ondes. Plus il fait chaud, plus le son se déplace vite. La modification des modes (fréquences modales) propres de la salle est aussi influencée par "l'amortissement" dû à l'humidité. La résonance ainsi amortie, influe sur la largeur de "bande-passante" et l'intensité réverbérée.

Dans son schéma Shannon différencie deux sources sonores : le signal et le bruit. Je les définis suivant leurs origines. On parle de sources internes et externes. Les sources internes sont souvent dues à des phénomènes microscopiques aléatoires. On les retrouve dans l'électronique notamment dans l'amplification d'un signal analogique. Les sources externes sont des perturbations se trouvant en dehors du dispositif et qui y pénètrent. Si on reprend l'exemple des systèmes analogiques sonores, certains peuvent capter des ondes radio ou électromagnétiques. Cela m'est souvent arrivé en construisant des petits dispositifs électroniques et sonores. Le haut-parleur dans le cas de mon dispositif est devenu récepteur. Grâce à sa bobine de cuivre, il a capté des ondes magnétiques et les a ainsi intégrées dans le circuit sonore. Dans mon étude de cas afin de définir le signal et la source, j'ai besoin de savoir quel est mon sujet. J'ai aussi besoin de définir mon espace et ses limites pour savoir si les sources sont internes ou externes. Je prendrai comme signal le phénomène de base que je veux enregistrer : la résonance du bruit blanc dans la grotte ou la faille. Mon sujet est donc la résonance, mais aussi le bruit blanc. Il est à la fois le bruit de l'eau et l'espace de la grotte.

Tout autre événement sonore qui se représente en dehors de la résonance de la mer est donc un bruit, par opposition avec le signal : tous les sons à l’extérieur de la grotte qui ne sont pas le son de l'eau. Soit le son des oiseaux, celui des moteurs de bateaux ou encore le son des invertébrés dans les failles humides.

La théorie de la communication élaborée par le linguiste Jakobson dans le cadre de l'échange linguistique ouvre le schéma et fait intervenir des facteurs expressifs suivant : le "référent" (à propos de quoi ?), le code (dans quel langage ?). L’ensemble étant dépendant du contexte.

La relation entre le bruit et mon sujet inscrit dans son environnement étant établie lors de mes enregistrements, je conclue qu’il pourrait être intéressant d'enregistrer l’espace des plages et ses activités humaines. Il est important de souligner cette présence de bruit dans ce système et je l'utiliserai dans mes traductions sonores.

Grâce à mes recherches sur la systémique et les analogies, je propose ici deux schémas réalisés pour définir des paramètres qui me seront utiles au développement des patchs de mes instruments.

Le premier est une synthèse constituant des éléments qui seront présents dans tout le paysage sonore : le son écouté, le signal accompagnant le bruit et qui évolue dans l'espace devenant lui aussi émetteur, comme dans l'exemple des haut-parleurs dans mes petits dispositifs.

Dans mon espace qui est la grotte (ma source),le son de la mer est externe ainsi que le bruit des oiseaux, des bateaux ou autres sons de l'environnement. Ces sons entrent dans la grotte et résonnent en fonction de l’hygrométrie du lieu, de sa température et de sa topologie. Puis la boucle de rétroaction se produit. Le son réverbéré devient résonant, jusqu’à ce qu'il disparaisse.