Sur la question du paysage sonore

Le terme de paysage sonore, largement utilisé de nos jours à été inventé par Raymond Murray Schafer avec son projet world of soundscape Project à l'université Simon Fraser. Et il publie en 1977 The tuning of the world, où il pose les bases de l'écologie sonore. Au départ, ce terme était utilisé pour désigner une discipline où les sons produits par l'environnement sonore étaient considérés comme une composition où l'on ne sépare pas le monde humain du monde non-humain. L'idée était d'apprendre à écouter les paysages sonores pour mieux comprendre et lutter contre la pollution sonore. Mais aujourd'hui le terme "paysage sonore" à évolué dans des pratiques comme le field-recording et est maintenant devenu un terme génériques visant les créations sonores liées au monde naturel. Cela ne s'applique pas qu'à l'enregistrement, mais aussi aux modes de la représentation. Tout comme la peinture, longtemps auparavant.

Dans son livre l'Invention du paysage, Anne Cauquelin parle à propos du paysage pictural, d'un paysage artificiel, inventé pour avoir des repères spatio-temporels. Un paysage représenté en trois dimensions, avec des éléments ordonnés possédant des propriétés physiques. Il en découle des émotions tel que l'extase devant des accords parfaits. Anne Cauquelin propose une notion du paysage ou sa réalité perçue est “une invention, un objet culturel déposé, ayant sa fonction propre”. p9 Mais qu'en est t-il du paysage sonore ?

Tout d'abord il existe plusieurs différences entre le paysage pictural et le paysage sonore dû aux propriétés physique du son et notre perception, mais aussi du à notre culture du regard et de l'écoute. En effet, le son est difficile à situer. Plus dynamique, résonnant, il appartient à l'espace. Quoi qu'il arrive le paysage sonore n'est pas frontal, il évolue autour et dans de notre corps. On ne peut pas fermer nos oreilles comme on ferme les yeux. Et même si c'était le cas, il serait possible de l'entendre par la vibration de nos os. Sa topologie étant plus difficile à cerner et n'étant moins éduquée que nos yeux, le sensible l'emporte sur la raison provoquant plus facilement des sensations désagréables. Mais ces émotions sont t-elles de l'ordre de l'inné ?

J'ai remarqué que la mémoire sémantique du son construit notre réponse émotionnelle au son. Les sons agréables, sont souvent similaires aux éléments de la nature indispensables à la survie de l'humain : le bruit du feu, de l'eau ou celui des pas sur le sol. A contrario, les cris des animaux menaçants sont plus associés au désagréable ou à la peur. D'après Yannick Gérard, dans son article Mémoire sémantique et sons de l'environnement, ces sons activent des structures de connaissances abstraites en mémoire sémantique dans des scènes auditives dépendantes dans l'endroit où nous nous trouvons. Avec l'évolution de notre contexte de vie les sons considérés comme désagréables / dangereux se sont ajoutés. Les sons des voitures ou de diverses machines bruyantes. Ces manifestations émotionnelles seraient donc culturelles. On observe d'ailleurs Parallèle entre les instruments (et la musique qu'ils produisent) et les sons agréables. Le son des oiseaux évolue dans les mêmes plages fréquentielles que le piano ou la flûte. Et les patterns de mélodies sont semblables aussi à ces chants. Durant leurs rêves les canaris s'entraînent à chanter, il rêvent de symphonies. Rêver de canari symbolise l'allégresse, le bonheur, la joie et l'harmonie. Rêver d'entendre le chant d'un canari présage des moments heureux et insouciants.

La répartition des instruments de l'orchestre sur les plages fréquentielles est similaire à la répartition des chants des animaux dans la nature.

Dans son travail, Thomas Tilly met en évidence cette organisation naturelle du son. Dans son album Script Geometry sorti en 2012, il présente des sons enregistrés dans l'Amazonie en Guyane. Il les dissèquent, en extrait des formes, et en fait son orchestre. C'est après tout cela que je peux affirmer que l'harmonie d’un paysage n'est pas innée mais culturelle, et elle passe par l'écoute.

Mais une question me reste en tête : la musique serait-elle un concept humain pour les humain, ou universel ?