Pour une écoute élargie

La vision que l'on développe autour du phénomène sonore va diriger notre écoute. Relativement à l'écoute Pierre Schaeffer, considère, dans son Traité des objets musicaux, que l'objet sonore constitue en quelque sorte une extension de note à tous les sons audibles. Il propose un état d'écoute, où l'on considère le son comme objet et non comme sujet. C'est une approche théorique du monde sonore, qui a posé les bases de la musique concrète.

Michel Chion reprend et développe cette idée dans son Traité d'acoulogie en 1998. Il considère qu'il est préférable d'extraire le son de son contexte pour le considérer en tant qu'objet. Cette approche apprécie que considérer le sens et la causalité réduirait l'objet sonore comme "intermédiaire vers d'autre objet visé." p44 Le son Traité d'acoulogie 1998

Selon moi, considérer le contexte sonore nous aide à nous extraire de nos dispositions culturelles, et nous diriger vers un voyage sensoriel ancré dans un système. Ce système comprend toutes les informations sensorielles qui viennent à nous, y compris l'odeur et l'image. Considérer ce son et son contexte ne le réduira pas ce dernier à être un simple intermédiaire, mais plutôt comme une charnière d'un ensemble complexe à explorer.

Ceci s'oppose au concept d'écoute réduite de Pierre Schaeffer : " Ou l'attitude qui consiste à écouter un son pour lui-même, comme pour objet sonore, en faisant abstraction de sa provenance réel ou supposée, et du sens dont il peut être porteur." La musique concrète ; Pierre Shieffer BROCHÉ. P44 . Certes, il est difficile de parler d'objet sonore quand on considère son contexte, mais j'aimerais appuyer sur le caractère inévitablement subjectif de nos sens. L'écoute d'un son en-dehors de son espace initial serait contextualisée par notre écoute. Je parle ici du fait que l’importance du phénomène, de notre bagage culturel, de notre disposition à écouter, ou à entendre, déformera la perception qu'on aura de celui-ci.

Je proposerais de parler d'une écoute élargie en considérant le rapport quasi-holistique du phénomène. Enlever une partie, un élément du contexte reviendrait à supprimer sa nature substantielle. Dans ce cas, nous ne séparons le son ni de son contexte, ni de tout phénomène sensoriel l'accompagnant. Je considère que la nature à une tendance à constituer des ensembles de systèmes insolvables supérieurs aux fragments que nous percevons.

Quand Raymond Murray Schafer parle de l'évènement sonore, il considère le son comme intrinsèque à son contexte. L'ensemble du paysage est pour lui un indice anthropologique. « […] l’événement sonore se définit […] dans ses dimensions symbolique, sémantique et structurelle. Il constitue un point de référence dans le concret, lié à l’ensemble qui le dépasse ». (Le paysage sonore / R. Murray Schafer 1979, p. 375)