Ces analogies avec la systémique me permettent de construire une vision de l'espace sonore qui définira les paramètres de mes instruments. Après mes analyses, je base mes expériences sonores à la fois sur mon schéma qui serait une définition de l'environnement sonore, et à la fois sur des formes et des mouvements qui produit par des appareils seraient commune à mes enregistrements.
J'ai l'habitude d'utiliser à la fois des outils numériques et analogiques basés sur la synthèse sonore, tels que les synthétiseurs modulaires. Ces outils permettent de créer des systèmes qui permettent d'assembler différents modules indépendants, chacun remplissant une fonction élémentaire. Le choix des modules et leurs interconnexions se font de manière totalement libre, et chaque module a différentes fonctions suivant ses utilisations.
Mes limites matérielles me poussent aussi à utiliser des logiciels comme Pure Data, pour lequel existe des plugins qui émulent ces synthétiseurs. Ce synthétiseur modulaire virtuel s'appelle Automatonism. Entre la composition, la performance et la conception d'instruments, il m'est utile dans l'exploration technique et sonore de la synthèse modulaire.
Description des modules :
Classés en trois catégories principales : générateurs, modificateurs, contrôleurs. Le rôle des générateurs est de fournir un signal qui sera ensuite rentré dans un modificateur. Les modificateurs vont altérer la forme des signaux de plusieurs manières. Par transformations morphologiques pour enrichir le contenu en harmoniques ou par filtrage pour diminuer le contenu harmonique des sons.
Ensuite, il y a les contrôleurs qui servent à faire varier de façon ponctuelle ou continue les paramètres des générateurs. Chaque module peut être « relié » à partir de points de contrôle du voltage (CV). Ainsi les modificateurs changent à volonté les paramètres des autres modules. Par exemple pour contrôler les dynamiques du timbre et de l'amplitude du signal pour sculpter le son.
J'aimerai vous présenter quelques modules que je peux par la suite utiliser dans ma traduction. Ainsi que les rôles qu'ils pourraient prendre dans mon futur système.
Le bruit blanc : le bruit blanc est un générateur de fréquence qui vibre de manière aléatoire. Le son qu'il produit remplit complètement la bande passante par un continuum de fréquences. Il existe des variantes de bruits roses ou bleues. Il sert aussi, grâce à sa sortie CV, à contrôler un paramètre de manière aléatoire.
Je vais utiliser le bruit blanc comme générateur de fréquence dans la plupart de mes recherches. À la fois pour son esthétisme proche du bruit du vent et de la mer, mais aussi pour l'étendue de ses fréquences présentes sur la bande passante, intéressantes à filtrer ou à faire résonner.
Le filter bank : la banque de filtre est un réseau de filtres passe bande montés en parallèle. Il me permettra de sculpter le spectre du bruit blanc comme un espace le ferait. Il me sera aussi possible de filtrer une réinjection et choisir la fréquence de résonance générée par ce feed-back.
La réverbération à ressort (spring reverb) : ce type de réverb imite la réverbération d'un lieu en faisant passer le son dans un ressort. Entre la mécanique et l'analogique, ce type de module à comme fonction de faire résonner le son. La résonance de la réverb est en fait la partie diffuse du son. Les réverbs que j'utilise dans mes systèmes analogiques contiennent un feed-back interne qui m'intéresse pour simuler les modes d'un lieu.
Le delay : le delay est un effet qui permet de décaler le signal dans le temps, tel un écho. Placé derrière mon bruit blanc, il peut me permettre de donner du corps au son. C'est un effet utile dans le traitement du son, mais qui n'est pas indispensable dans mon système.
Wasp filter : ce filtre a été inspiré d'un synthétiseur analogique des années 70. Il sert de filtre passe-bas ou passe-haut et produit des effets de distorsion du son. Contrairement à ma banque de filtres, il a plusieurs entrées CV qui me permettront de moduler les fréquences filtrées.
VCO/VCA/Enveloppe générator : ces 3 modules comportent les éléments d'une chaîne classique dans la synthèse sonore : un VCO qui génère le signal, le VCA l'amplifie et le générateur d'enveloppe contrôle l'évolution de la tension en trois phases : attack, sustain, decay. Cette chaîne produit une infinité de sons différents qui pourront m'être utiles dans la génération de bruits venant perturber le son de la mer.
Le multiplicateur d'onde : l'idée du multiplicateur d'onde et de modifier la forme d'onde d'un signal pour ajouter des Harmoniques. Cela me permettra de générer des harmoniques pour ensuite en sélectionner avec mon filtre. Ou alors je peux l'utiliser comme un effet de distorsion pour « salir » le signal.
Création du système
J'ai comme protocole de commencer avec un patch de pure data pour tester différents systèmes pour ensuite m'en inspirer pour un patch sur un modulaire analogique, et pourquoi pas utiliser les sons générés pour les injecter dans le synthétiseur.
Bruit blanc 1
Le premier patch se compose de trois générateurs de bruits qui vont générer une fréquence aléatoire qui rajoute de la matière. Ils sont patchés avant des phaseurs qui vont moduler la phase du signal grâce à une réinjection avec un léger retard. Son association avec un bruit blanc produit un son proche de celui de la mer. Maintenant que nous avons notre signal d'émission, je décide de le faire passer par une banque de filtres modulés par des LFO. Le filtre va s'auto moduler, et fait apparaître et disparaître des fréquences comme si l'on se déplaçait dans un espace. Le tout est ajouté à des delay en stéréo qui vont donner du corps et de la modulation au son.
Bruit blanc 2
Pour les prochains patch, je garde la structure émetteur/bruit blanc → récepteur/filtre en essayant de réfléchir à un moyen de faire résonner une fréquence, comme les fréquences modales dans mes grottes. Pour cela, je modifie mon patch en ajoutant des oscillateurs. Lesquels vont générer un drone altéré par notre bruit blanc.
Bruit blanc 3
Puis un troisième patch où je remplace les oscillateurs par des filtres analogique qui me permettent de faire résonner le son. Le premier est intéressant car on entend plusieurs fréquences se superposant et est moins agressif à l’écoute. Mais le deuxième est plus fidèle au système de réinjection du son dans les espaces.
Maintenant que j'ai pu créer le signal, j'ajoute un ancien patch très simple qui génère un bruit organique.
Ce patch est basé sur une émulation de TB-303. Ce synthétiseur mythique apparu en 1982, produit des lignes de basses corrosives. Une fois connecté à des modules de « randomisation », il produit des sons très organiques. Pour moduler le son, je rajoute un delay granulaire. La synthèse granulaire est un autre type de synthèse. Le module sélectionne des échantillons et crée un nuage sonore.
Pour commencer mon patch sur le synthétiseur modulaire analogique. J'ai commencé par reproduire le premier système sur Pure Data : bruit blanc coloré + filter bank. Ne disposant pas de contrôle CV sur mon filter bank les modulations sont faites à la main.
Ensuite, je décide de patcher le bruit blanc avec le wasp filter pour le moduler avec sa sortie CV. Le filtre vient modifier la fréquence du bruit blanc, que lui-même va contrôler. La boucle est bouclée. J'ajoute à cela le feed-back de la reverb filtré par la banque de filtres qui rappelle la résonance des grottes.
J'utilise maintenant deux solutions pour ajouter le bruit à mon signal. L'ajout d'une source externe : mes sons organiques de Pure Data et l'ajout d'un bruit interne une chaîne de module qui génère un son qui s'auto-module.
Le son de Pure Data est passé dans le multiplicateur d'ondes modulé grâce à son CV. Ce qui me permet de rajouter des harmoniques et va le faire disparaître de temps en temps. Le rendant plus vivant et unifie la composition.
Le bruit interne est réalisé par une chaîne d'oscillateurs interconnectés, ajoutée à un amplificateur d'ondes et à un générateur d'enveloppe qui va les déclencher en cascade. Le tout est envoyé dans la reverb qui grâce au filtre résonne aléatoirement.
Nous avons donc un système en trois parties :
Source 1 (signal) : bruit blanc → filtre
Source 2 (bruit) : patch Pure Data → multiplicateur d'ondes
Source 3 (bruit) : quad VCO → vca → envelope generator → filter signal processor → feed back avec spring reverb → wasp filter → filter bank